Lire la première partie de Jacob et le génie
Les 2 premiers voeux
– Ouh là, m’écriai-je en levant les mains pour stopper son laïus, tu n’as encore rien fait de tes promesses miraculeuses que tu veux déjà que je travaille pour toi ? Quel genre de service vas-tu me demander ?
– Oh rassure-toi, répondit-il, rien qui ne soit au dessus de tes compétences.
Ce qui me rendais nerveux à ce moment là, c’était son attitude. Quelques minutes plus tôt il regardait cette femme qui gisait au sol avec une certaine tristesse dans le regard, et il avait maintenant l’air réjouit, presque soulagé. Sans réfléchir une seconde de plus, mais sans y croire vraiment, je lui annonçais mon premier vœu sur le ton du défi :
– Trois souhaits hein, rien que ça mon bon seigneur, m’exclamais-je dans une fausse courbette, eh bien voyons comment tu vas t’y prendre. Je veux devenir l’homme le plus riche du pays. Attention, je veux être plus riche que le Roi lui-même !
Non content de ne pas se démonter, le génie prit un air entendu :
– Devenir riche, répéta le génie… si telle est ta volonté alors riche tu seras.
Après l’avoir vu faire quelques passes obscures avec les mains, je restais sans voix quand un coffre de 20 pouces de haut apparut à mes pieds. Il était visiblement très ancien. M’attendant à quelques tours vicieux, je fis sauter le couvercle avec le pied. Non seulement il ne se passa rien de fâcheux, mais je pus constater en plus qu’il était rempli de pièces d’or. C’était fantastique… inimaginable. A genoux les mains dans le coffre, il me fallut quelques minutes pour me remettre. Je remerciai néanmoins le génie avant de la quitter pour placer mon fabuleux butin en lieu sûr.
Grâce à cette fortune, je me suis d’abord procuré une nouvelle livrée, la même que les gentilshommes que je dépouillai hier encore. Puis je m’achetai une maison, très grande, très belle sur la colline, avec une jolie vue sur la ville. On la voyait de très loin. J’y invitai ma famille, mes compagnons et ensemble nous dilapidions cet or dont personne d’autre que moi ne savait rien.
Avec le recul, je me rends compte que j’étais bien naïf de penser que les cadeaux pour mes hôtes seraient suffisants à les satisfaire. Tous me questionnaient sur le secret de cette abondance et tous furent plus que prolixes en conseils de toutes sortes sur les meilleurs façons d’en user.
Quelques semaines plus tard, alors que j’allais me réapprovisionner en monnaie sonnante et trébuchante là ou j’avais caché mon vieux coffre tout neuf, je tombais dans une embuscade. Je dû bien malgré moi sous la torture, avouer ou il se trouvait. Malgré la douleur, je résistais cependant à la tentation de faire intervenir le génie que j’avais compris être le seul à voir. Le second vœu qui me brûlait alors les lèvres était simple : tous les massacrer. Seul, lardé d’incisions et parsemé d’ecchymoses en tous genres ils me laissèrent cependant en vie sans que je prononce le voeu mortel.
Je me réfugiais dans les champs hors de la ville. Blessé mais sauf malgré tout et désormais à l’abri, j’avais en tête de récupérer mon coffre et de me venger. Je pris le temps de bien réfléchir cette fois, plusieurs jours durant, et ordonnait finalement au vieil homme en robe de réaliser mon second vœu :
– La richesse est trop matérielle, avouais-je, elle peut être dérobée. Je veux quelque chose qu’on ne me volera pas. Je veux le pouvoir. Génie lui dis-je totalement décidé, je veux devenir Roi de ce pays.
– Si tel est ton désir maître Jacob, répondit le génie un sourcil levé, tu es Roi !
Je me retrouvais instantanément assis sur le trône, dans cette salle que je n’avais vu que sur les tapisseries de la salle du tribunal que j’avais fréquenté plus souvent qu’à mon tour. Des gens étaient inclinés devant moi, et je savais quels étaient les mots qu’on attendait de moi à cet instant :
– Faites servir le repas, criai-je, j’ai faim !
Ce que je n’avais pas dit à mon faiseur de miracle personnel, c’est qu’une fois Roi, je lancerai la garde sur les traîtres qui m’avaient torturés, les jetterai en prison, les torturerai, puis les exécuterai… enfin. Je récupérerai mon bien et, cerise sur le gâteau, accéderai au trésor royal. J’édicterai ensuite des lois pour dissoudre la guilde des voleurs et remercierai grassement ma famille.
Plus rien ne m’arrêterai.
Je commençai donc à user et abuser de ce nouveau pouvoir qui m’était conféré, le génie toujours à portée de vue, lissant sa barbiche, prêt à réaliser mon dernier voeu. Grâce à la milice, je récupérais mon coffre comme je le prévoyais, offrais des terres à mon ancienne famille de voleurs et leur donnais le poste des ministres, faisant bannir les précédents par précaution hors de mes frontières. Puis je fis découper mes ennemis, sur la place publique afin que tous sachent qui était à l’origine de leurs nouveaux malheurs.
Bien entendu, peu de temps après, le pays s’est enfoncé dans une pagaille atroce que nous aggravions ma famille et moi-même, jour après jour par des décisions dépourvues de toutes réflexions à moyen ou long terme (le court terme n’étant pas de la politique, mais des réactions à des stimuli émotionnels). La politique ne s’appréhende pas si facilement quand on y est pas vraiment préparé.
Les anciens ministres réagirent bien évidemment et avec l’aide d’un pays allié, fomentèrent un coup d’état. Après la réussite totale de leur plan, que je n’eus pas la présence d’esprit de contrer, ma famille et moi fument envoyés en prison. La vie de la cour pouvait enfin reprendre entre gens de bonne compagnie. La fille du vieux Roi défunt fut placée sur le trône en attendant la majorité de son fils (dont on ne me reconnu jamais comme le père), et tout rentra dans l’ordre.
Je ne pensais qu’a une chose : me venger encore et à ce titre ne souhaitais utiliser mon dernier vœu que dans la réalisation de cette vengeance.
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